Hamadi Jebali a démissionné ainsi que son gouvernement. A l’heure où on se demande comment sera achevée la deuxième phase transitoire, quel bilan pouvons-nous tirer du gouvernement Jebali I ?
Plus d’un an après sa constitution, le premier gouvernement démocratiquement élu de l’histoire de la Tunisie vient de démissionner. Evoluant dans un contexte plus que compliqué, ce gouvernement n’a pas réussi à renverser la tendance baissière de l’économie tunisienne.
L’éternel problème du chômage
L’emploi, l’un des problèmes structurels que vit la Tunisie, constituait un défi majeur pour le gouvernement. Même si la conjoncture n’a pas été particulièrement favorable, l’emploi et par conséquence le chômage restent l’un des échecs du gouvernement.
Malgré des déclarations et des chiffres contradictoires de la part de certains ministres, a l’instar d’Abdelwaheb Maater, ministre de l’Emploi ou Mohamed Ben Salem, ministre de l’Agriculture. Tous deux revendiquent des créations d’emplois de l’ordre de 120.000 postes créés au cours de l’année 2012.
La vérité est toute autre ! Selon l’Institut National des Statistiques (INS), en 2012 un total de 85.000 emplois ont été créés. De plus ces créations sont en grande partie dues au retour à l’activité des usines fermées en 2011. En effet, 2011 a vu la destruction de pas moins de 130.000 emplois. Le gouvernement a donc juste réussi à recapter ces pertes d’emplois post-14 Janvier.
Si on se penche plus en détail sur les conditions de création de ces emplois, l’on se rend compte que la fonction publique est l’organisme qui a le plus recruté en Tunisie en 2012. Plus de 40.000 nouveaux fonctionnaires ont été embauchés. Le gouvernement a certes misé sur les diplômés chômeurs, en recrutant en masse parmi eux, mais le taux de chômage de ceux-ci reste au même niveau que celui de 2011, avec plus de 33% et largement supérieur au niveau de 2010 (23% seulement). Ces mesures n’ont pas non plus réussi à réduire significativement le chômage, dans la mesure où celui-ci reste proche du taux de 2011 avec plus de 17% de chômeurs en 2012. La politique d’emploi est donc clairement à revoir, le gouvernement n’ayant pas réussi à inverser la tendance, ni même a revenir au niveau de 2010, pourtant peu glorieux.
Les prix qui s’envolent !
La croissance, quant à elle, est positive, aux alentours de 3.5% pour l’année 2012, mais très insuffisante eu égard au taux d’inflation extrêmement haut qui atteint les 6%. Pour faire simple, nous produisons moins que la montée des prix. Quand notre revenu augmente d’un point, les prix eux, augmentent du double. Les Tunisiens ont donc perdu en pouvoir d’achat en 2012.
Pour 2013, Hamadi Jebali, tablait sur une croissance de l’ordre de 4.5%. Cette perspective a fait bondir le Gouverneur de la banque centrale, Chedly Ayari, qui, dans des termes diplomatiques, a désavoué le chef du gouvernement, estimant cette prévision «reajustable» après coordination avec le FMI et la Banque mondiale.
Comme le déclare Chadly Ayari, il ne peut y avoir de croissance importante, sans un climat propice aux investissements et les investissements sont tributaires de la stabilité politique et sociale. Dans une équation où, le climat est instable, la consommation est en baisse vu le niveau de chômage, l’inflation des prix et le blocage des crédits à la consommation, il est impensable que la croissance puisse atteindre le niveau espéré par Hamadi Jebali.
Il faut pouvoir contenir les prix et stabiliser la situation politique pour, un jour, tabler sur une croissance économique importante. Chose que, de l’avis de Rafik Abdesselam lui-même, le gouvernement n’a pas réussi à faire.
Insécurité politique
Un autre échec du gouvernement réside dans l’incapacité de stabiliser le climat politique et mener les reformes structurelles dont le pays a besoin. Les tensions politiques sont à leurs combles, ne réussissant pas à finaliser un remaniement ministériel, le gouvernement à participe à l’instauration de cette instabilité.
D’autant plus qu’il existe une montée considérable de la violence politique, l’étanchéité des frontières et des tensions sociales exacerbés par la cherté de la vie. C’est une vraie poudrière sur laquelle était assis le gouvernement et un épouvantail à tous ceux qui voudraient s’essayer à l’exercice du pouvoir.
Le gouvernement n’a pas non plus mené les reformes qui s’imposaient, que ce soit dans la Justice, l’Education ou la fonction publique. Il fonctionne avec le même appareil qui était en vigueur a l’époque de Ben Ali, comme la haute instance de la magistrature par exemple, voir les mêmes lois, a l’instar de la loi Anti-Terrorisme sous laquelle ont été inculpés bon nombre de salafistes.